Trois voix relatées dans le Soir au 5 août

 

Histoires de famille et de jardin au château de Modave

Au château de Modave, avec « Trois voix pour trois histoires », la compagnie Lazzi entraîne le public dans un parcours intimiste en trois temps, entre récits de famille et amour des jardins. 

Pascale Vander Zypen imagine joyeusement son propre enterrement. 

Par Jean-Marie Wynants 

Chef adjoint au service Culture - Le 5/08/2020 à 12:42

D’abord, il y a la route qui se rétrécit de plus en plus jusqu’à devenir un long ruban tout droit de plusieurs centaines de mètres, bordé d’arbres au cœur d’un parc d’un calme absolu. Au bout de celui-ci, le château de Modave, dont les hautes portes accueillent quelques dizaines de visiteurs aux alentours de 20 heures.

Ensuite, il y a les groupes. Trois : les bleus, les verts, les rouges. Rien de politique dans ces couleurs. Juste une manière de scinder la soixantaine de participants en trois petites troupes. Covid oblige, la soirée a dû s’adapter. Et les acteurs de la compagnie Lazzi paient de leur personne en jouant chacun trois fois pour les trois groupes qui se succèdent. Selon la couleur à laquelle on est rattaché, on verra donc les trois courts spectacles dans un ordre di!érent.

Suivant le guide qui nous accompagne d’un bout à l’autre de la soirée, nous prévenant du danger de certaines marches ou de l’aspect ino!ensif des chauves-souris, nous pénétrons dans le grand hall d’entrée. Des chaises sont disposées soigneusement à plus de 1 m 50 les unes des autres. Avec ça et le masque, on ne court aucun risque à s’installer sagement pour faire la connaissance d’un homme en smoking qui commence par brancher un petit enregistreur à cassette.

Noël, la famille et la mort

Cet homme s’adresse à sa mère morte, évoquant les derniers jours de celle-ci. Il enregistre son petit discours afin que sa secrétaire puisse ensuite le dactylographier. Etrange pratique, mais cet homme n’est pas n’importe qui. Son nom : Georges Simenon. Incarné par Stephane Stubbé, Simenon s’adresse à celle qu’il a si mal connue, si mal aimée, dans un étonnant mélange de froideur et d’émotion. Rapports familiaux complexes, lointains, distendus. Amertume d’un fils dont la mère préférait le frère décédé. Armé d’un album photo, Stephane Stubbé remonte le temps, retrouve l’accent liégeois de celle que Simenon n’a jamais appelée « maman ». Et nous donne envie de relire l’auteur à la lumière de ce qui nous est révélé.

On grimpe ensuite le grand escalier pour déboucher dans un vaste salon du premier étage où Pascale Vander Zypen nous attend, malgré une panne d’électricité. Eclairée par la lampe de poche de notre guide et les petites lumières des smartphones du public, elle se lance sans filet, expliquant qu’elle prépare un nouveau spectacle ayant pour thème Noël, la famille et la mort. Établissant clairement les rapports entre les trois, elle livre ensuite une prestation irrésistible, passant d’un sujet à l’autre, explorant chacun à travers de multiples histoires et utilisant un tableau de conférencière pour que tout soit clair.

On n’oubliera pas la petite Pauline découvrant la mort de son hamster Bouly, Jésus avouant peu avant sa naissance qu’il hésite à venir sur terre, la mère de famille imposant tous ses rites un soir de Noël, le retour du hamster Bouly se demandant ce qu’on lui veut ou encore la comédienne imaginant son propre enterrement. Avec cette succession d’histoires courtes, Pascale Vander Zypen frappe juste, suscite les rires autant que l’émotion, chaque épisode trouvant un écho chez chacun des spectateurs.

Déclaration d’amour à la nature

Pour la dernière étape du voyage, on redescend jusque dans les douves (sèches) du château, où Christian Dalimier et Valéry Bendjilali nous attendent en plein air. Une petite table, une guitare, des livres, des lutrins, des arrosoirs permettent au duo de se livrer à une déclaration d’amour à la nature et au jardin avec, comme dans les deux parties précédentes, une place importante accordée à la famille. Les textes de Colette, de Stefan Zweig ou de la Comtesse de Ségur croisent Le Sacré Géranium de Dick Annegarn, Le Petit Jardin de Dutronc, le Jardin extraordinaire de Trenet et le Jardin d’hiver de Salvador.

La nuit est tombée, quelques tomates poussent dans un coin, les comédiens répondent aux applaudissements nourris par des remerciements émus pour notre présence en cette période étrange et complexe. Et les spectateurs masqués disparaissent dans la nuit comme autant de comploteurs malicieux ayant joué un bon tour au virus.

Jusqu’au 9 août au château de Modave, www. (http://www.chateau/)modave-castle.be, 085- 41.13.69


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